Page:Ourliac - Nouvelles.djvu/51

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Allons, dit Lapointe accablé, en se redressant sur ses talons avec plus de peine que de coutume.

Comment résister à une invitation si gracieuse, appuyée sur une pièce d’or d’un usage si peu commun dans l’Hôtel. Il ne put pourtant prendre sur lui d’alimenter la conversation. Schérer parlait tout seul, et, selon l’usage, des douceurs infinies que lui promettait l’avenir. Lapointe, sous le poids de son dépit et de sa surprise, piétinait çà et là dans les ornières, contre son soin accoutumé de les éviter.

On arriva chez la mère Misu. Le menu étant débattu d’avance par devant les fourneaux meublés de casseroles, les deux amis s’attablèrent devant la table drapée de toile grise et ramagée de taches de vin. On but d’abord pour manger, puis l’on mangea pour boire. Mais l’humeur de Lapointe ne put tenir contre les séductions du premier service, qui s’annonçait sur un pied extraordinaire ; il commença de répondre à son ami, et s’étendit par reconnaissance sur l’inappréciable bonheur dont Schérer était favorisé dans une démarche aussi hasardeuse que le mariage.

— Voilà ce que c’est que d’être bel homme ! reprit Lapointe en soupirant, mais avec un sourire qui voulait flatter, et il est vrai qu’un verre de vin qu’il vidait en ce moment lui adoucit l’amertume de cet aveu.

— Bel homme ! dit Schérer généreusement ; un homme en vaut un autre. On n’est jamais qu’un homme, quoi ; beau ou vilain, chacun a sa qualité. Il n’y a pas de bel homme là-dedans.

— Allons donc ! je t’observe, moi, que c’est ton physi-