Page:Ourliac - Nouvelles.djvu/28

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

O quantum mutata ! ô folies incompréhensibles du vice ! ô impénétrables mystères de la cervelle des femmes !

Cécile Fressurey subit une de ces révolutions. Un jour, au milieu de sa misère, on la pria de chanter dans un concert. Il fallut, pour y paraître, emprunter la robe, les fleurs, le mouchoir brodé et toutes ces guenilles de prix qui sont une si cruelle antithèse au dénûment des pauvres femmes qui s’en parent. Cécile chanta le fameux air de Desdemona. Sa pâleur, son émotion ajoutaient à l’expression du morceau ; elle fut fort applaudie.

À ce concert assistait un jeune fou qui vient ici se jeter étourdiment dans l’intrigue, et qui n’y joua pas le plus petit rôle, comme on verra bien.

Quand le public quitta la salle, il pleuvait et si fort que bien des assistants furent dans l’embarras. La plupart des artistes n’y étaient pas moins, et surtout notre virtuose et sa mère, forcés d’attendre en grelottant dans une sorte de vestibule qui donnait dans la cour par une autre issue que l’entrée publique ; bien des ténors empressés, bien des confrères galants offrirent des parapluies ; mais le moyen d’affronter l’orage à pied, en habit de bal ? Un des jeunes gens envoya chercher un fiacre, mais il n’était pas sûr qu’on en trouvât.

Sur ces entrefaites, un domestique expert, en livrée élégante, qui observait d’un coin mademoiselle Cécile et sa mère, s’approcha respectueusement et leur dit que M. le comte de Baffi leur faisait offrir sa voiture pour les ramener chez elles.

Les deux femmes se regardèrent, n’en pouvant croire leurs oreilles. Madame Fressurey fit des civilités au laquais