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perdu, allez le demander au gérant ; l’entreprise a échoué.

— Il est perdu ! s’écria l’oncle Scipion.

Frère Paul, consterné, pencha la tête.

— Sortez ! dit Dumarsouin, je ne saurais vous supporter plus longtemps. Je vous attends devant les tribunaux. Joseph ! Bertrand ! qu’on me chasse ces misérables.

Plusieurs hommes coururent sur eux, et frère Paul s’apprêtait à les recevoir chaudement, mais l’oncle Scipion le retint, en sorte qu’ils furent chassés à grandes bourrades.

— Eh bien ! notre oncle, dit frère Paul, vos progrès moraux, qu’en dites-vous ? Ne valent-ils pas les progrès physiques ? Votre neveu n’est qu’un voleur comme tous ceux de sa bande, et vous ne verrez jamais votre argent. Il me reste heureusement quelque monnaie en réserve au fond de mon escarcelle. Nous allons prendre la diligence.

— Quoi ! cette infernale machine qui nous a failli tuer ? dit l’oncle effrayé.

— Dieu me préserve d’y songer, je parle d’un simple coche à quatre roues.

— Non, frère Paul, nous irons à pied ; c’est plus long, mais plus sûr. Me voilà guéri de mes illusions.

— Soit, mais faisons vite. Nous irons coucher ce soir à deux lieues d’ici, et si Dieu permet que nous revoyions jamais notre vallée, je me charge, avec votre petit bien, de vous y faire vivre comme un prince.

Aussitôt fait que dit, ils se mirent en route, en causant, pour charmer les premiers ennuis d’un si long voyage, des jambons frits de Catherine, et du bon lait qu’elle faisait cailler, et du bon vin blanc du coteau, et du bon air qu’on respirait à la promenade de l’Ermitage.