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— Eh ! quoi donc, demanda l’oncle Scipion, on ne fait plus le pain avec du blé ?

— Si vraiment, dit Dumarsouin, mais cela s’est beaucoup perfectionné, et l’on y ajoute à volonté du sulfate de cuivre, du sous-carbonate de magnésie, du sulfate de zinc, du sous-carbonate d’ammoniac, du carbonate ou bi-carbonate de potasse, du sulfate et carbonate de chaux, ou, pour parler humainement, de la craie, du plâtre, de la chaux et de la terre de pipe.

À ce moment frère Paul laissa tomber sa fourchette, et bientôt après se retira. Comme on sortait de table, Dumarsouin, saisissant le moment, reconduisit chez lui l’oncle Scipion, pour lui remettre l’affaire en tête, et le presser d’écrire en Savoie. Il fut grandement surpris et penaud, d’apprendre que l’oncle portait toute sa fortune avec lui, et qu’elle se réduisait à une centaine de louis ; toutefois il osa les prendre.

Pour l’oncle Scipion, il livra son argent sans regret, sans arrière-pensée, se liant à son neveu qui devait l’enrichir, et s’endormit en faisant des rêves d’or ; mais il fut bientôt réveillé par frère Paul, qui poussait de longs gémissements derrière la cloison. Il l’appela à diverses reprises : frère Paul, sans répondre, s’agitait de plus belle. L’oncle Scipion, fatigué d’appeler inutilement, se rendormit.

Au point du jour frère Paul entra dans la chambre, pâle, tout habillé et l’air résolu.

— Notre oncle, dit-il, il nous faut partir d’ici.

— Et pourquoi, mon ami ?

— Parce que nous y mourrons de faim.