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peuple immense leur firent oublier les traverses du voyage.

— Véritablement, dit l’oncle Scipion, Paris a bien changé ; je reconnais que tout ce qu’on en dit est au dessous de la vérité. Voilà de belles rues bien percées ; et quelles hautes maisons de bonne mine ! comme c’est grand ! comme c’est beau ! Allons, courage, il faut croire qu’un mauvais sort a jeté sur nos pas des préventions dont nous reviendrons.

Ils arrivèrent encore tout éblouis chez le neveu Dumarsouin. Ce fut une scène touchante dont la fortune supposée de l’oncle Scipion redoubla l’attendrissement. Son neveu lui poussa dans les bras successivement sa femme, ses enfants, ses belles-sœurs et ses beaux-frères, en le priant de se considérer comme chez lui.

Ces transports un peu calmés, l’oncle Scipion promena autour de lui des yeux étonnés. Il ne reconnaissait plus les gens de commerce de ce siècle. De son temps, quoique bon bourgeois et gros bonnet du négoce, il n’avait derrière son magasin qu’une arrière-boutique enfumée, meublée de vieux chêne, où il mangeait et recevait ses amis ; il couchait dans une soupente où tenait à peine son lit, tandis qu’il ne voyait chez son neveu que meubles d’acajou et de palissandre, cristaux, bronzes, tentures ; la maison d’ailleurs était toute neuve, toute fraîche, quoique d’un logement étroit, et toute reluisante de marbres, qui, à la vérité, n’étaient que peints. Il en demeura tout à la fois émerveillé, scandalisé, et convaincu que son neveu était fort riche.

— Mais quoi, mon ami, lui dit-il enfin, pour un mo-