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m’emporte ! Je ne suis guère pressé. Holà ! cocher, arrêtez, je suis malade, la tête me tourne, le ventre me cuit ! Qu’on me débarque ! Qu’on me mette seulement les pieds en terre pour l’amour de Dieu ; le reste suivra, s’il se peut. Au besoin, un âne me suffira, un âne sans plus, entendez bien. Ô mon pauvre bourriquet ! où es-tu, mon mignon, mon ami ? nous irions l’un sur l’autre, pas à pas, broutant à loisir quelque chardon le long du fossé !

Les voyageurs, incommodés de ses cris, lui voulaient faire entendre raison.

— Eh ! de grâce, reprit-il, dites-moi à quoi cela peut servir d’aller de ce train ! Au nom du ciel, rentrez dans le bon sens : la main sur la conscience, ne vaudrait-il pas mieux mille fois s’en aller tranquillement, faisant vie qui dure, se ravitaillant aux bouchons, ou le long des prés cueillant la noisette, et s’arrêtant selon le besoin ?

— Et le commerce ? dit le voyageur ; vous êtes négociant à Bordeaux et vous m’envoyez du vin à Paris : zeste, vos barriques arrivent en un clin d’œil. Voulez-vous expédier une pacotille de jouets d’enfants ? pst ! l’éclair n’est pas plus prompt.

— Mais quoi, dit frère Paul, faut-il culbuter un si grand nombre d’honnêtes gens pour échanger des polichinelles ?

Il remit la tête à la portière et continua d’un ton dolent :

— Hélas ! cela finira mal, notre oncle. Heureux les goutteux ? Ils ont les deux pieds chaudement allongés sur un tabouret douillet, au coin du feu, et s’ils ne vont pas vite, du moins ne courent-ils pas risque de choir. Que ne suis-