Page:Ourliac - Nouvelles.djvu/225

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quitté son pays, et ces bons montagnards, gens et bêtes, furent bientôt ses amis. Frère Paul s’attacha particulièrement à lui, et ce dernier mérite d’être connu.

Frère Paul était un orphelin qui gardait les troupeaux, dans la belle saison, sur les Hautes-Alpes. Un vieil ermite, qui l’avait pris en amitié, le menait quêter avec lui et lui montrait à lire. L’ermite mourut, Paul lui succéda, c’est-à-dire qu’il hérita de l’ermitage, du froc et d’un livre d’heures ; de là son nom de frère Paul, bien qu’il continuât à garder ses bêtes. Au reste, ce n’était qu’un enfant haut de cinq pieds dix pouces, bâti à merveille, leste, fort à proportion, et d’un cœur aussi pur que l’air qu’il respirait dans ses montagnes.

L’oncle Scipion et frère Paul semblaient faits l’un pour l’autre, car ils ne se quittaient point. Si l’on voyait l’un déboucher d’un tournant, c’est que l’autre n’était pas loin ; et quand l’oncle Scipion discourait, en marchant, frère Paul volontiers écoutait quelque part.

Jusque-là, par le bon air et l’exercice, l’oncle Scipion se maintenait vert et gaillard ; toutefois il vieillissait, et son grand chagrin fut qu’il craignait de mourir sans revoir sa patrie. Frère Paul, partageant ce chagrin, faisait sur la France et sur Paris force questions saugrenues, car il n’avait jamais lu que son livre d’heures.

Il arriva tout à coup, sous la forme d’un petit papier vieilli à la poste, un événement qui troubla la paix de la vallée : c’était une lettre adressée à l’oncle Scipion par son neveu Dumarsouin, établi à Paris.

Comment ce neveu put-il penser à son oncle, qu’il n’avait jamais vu ? Cela tenait simplement à ce que l’oncle