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Jocrisse. On l’alla chercher dans tous les cabarets, à son auberge et chez les comédiens, on ne le trouva point. Il avait quitté la ville, et le bruit courut qu’il s’était noyé.

Cette histoire se dénoua à Paris d’une façon fort singulière. Trois ans après cette soirée de théâtre, qui fut bientôt oubliée, un nouveau préfet arriva qui destitua à propos de rien deux des plus anciens employés de ses bureaux. L’un de ces employés, qui n’avait contre lui que d’être vieux et d’un caractère ferme, fut ce M. Sorel dont il a été question, le père de Clémence. Ce coup lui fut d’autant plus sensible qu’il avait hasardé son peu de bien sur des propriétés qui lui firent défaut. Il se trouvait sans ressources, dans un âge avancé, et chargé d’une fille dont l’établissement lui devenait impossible. Des amis, sur la foi de certaines protections, qu’on lui promit, lui persuadèrent de s’en aller à Paris où il trouverait mieux sans contredit à s’employer, lui et sa fille, que dans une pauvre ville de province où il avait toujours passé pour aisé. Il fit argent de ses derniers meubles, réalisa la plus grosse somme qu’il put et partit.

À Paris, les protections se trouvèrent faibles ou nulles, c’est l’usage. Chacun s’excusa de son mieux. Ce voyage si chèrement entrepris devenait inutile. En un mois de séjour dans une capitale, M. Sorel avait vu la fin de ses ressources ; il touchait à l’extrême misère dans un pays inconnu, sans amis, sans recours, sans espoir.

Un jour, il traversait une place, quelqu’un l’appelle ; il se retourne : c’était Pelletier, Pelletier depuis deux ans à Paris, et qui venait, lui aussi, chercher fortune. Ils poussent chacun un cri et se prennent les mains. Pelletier s’é-