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faite qu’il ne l’avait. Il s’était serré tant soit peu la veste autour de la taille, et l’avait proprement boutonnée vers les basques. Son col de chemise était rabattu d’une façon qui n’était pas sans grâce. Il s’était barbouillé de rouge, mais avec discernement, et sans trop appuyer vers le front et le bout du nez ; il portait la perruque de crin, mais il avait incliné son chapeau, qui relevait le reste et lui donnait un air leste et madré ; si bien que lorsqu’il eut fini, ce n’était plus Jocrisse, c’était un Frontin charmant, une manière de paysan coquet, un Jocrisse de salon et de pastorale.

Il se promenait tout préparé quand le régisseur l’avisa si pimpant. Le régisseur poussa un cri : « Vous êtes habillé ? — Sans doute. — C’est fini ? — Oui. — Vous vous moquez ? — Pourquoi ? — Vous ne paraîtrez pas ainsi ? — Si fait. — C’est insoutenable, vous n’êtes pas vêtu, vous n’avez aucun goût, tout va manquer ; le costume était convenu. Vous perdez la tête ! »

Collinet sentit la difficulté, et déploya mille raisons ingénieuses qu’il tirait du moment, du rôle, d’où il pouvait ; il n’avait pas trouvé ceci, il lui manquait cela. Le régisseur n’écoutait rien et continuait ses réclamations. Les comédiens qui étaient là à s’épingler lui donnaient raison ; il frappait du pied, regardait Collinet, et se cachait le visage dans les mains avec tous les signes d’un profond dégoût. Il s’approcha, et lui arracha d’un coup tous les boutons de la veste. Collinet se recula trop tard. « Là, vous voilà déjà mieux ; c’est bien simple, cela vous casse un peu, vous prenez tournure. Il ne faut qu’un peu de goût. » Il s’approcha encore, et lui aplatit d’un coup