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quaient pas, ils assommaient ; et comme il arrive chez ces gens-là par la haine instinctive de toute supériorité, Collinet, Collinet lui-même, Collinet si charmant et si agréable, devint leur point de mire à tous.

Ils ne virent pas combien peu il le méritait, et qu’ils n’étaient pas de force s’il l’eût voulu. Mais, à défaut de la raillerie légère qu’il maniait si bien, la grosse injure leur tomba d’abord sous la main. On l’attaqua lâchement par les côtés misérables qui donnent prise à ces sortes de bas esprits. On le raillait parce qu’il était mal vêtu, mal payé, mal nourri. On le raillait sur sa figure et sa profession. On lui disputait jusqu’à son talent, et souvent, quand il était à badiner doucement, on lui jetait une plate et méchante riposte, qui le laissait tout interdit. Il donnait un coup de patte, on lui répondait par un coup de griffe. Il n’est rien qui trouble un esprit délicat comme l’épaisse et extrême sottise : Collinet mettait toute son adresse à ne point changer de visage ; en pareille compagnie le mieux était de tout supporter ; mais il ne laissait pas d’être atteint au cœur. Il feignait de ne pas entendre, ou continuait la plaisanterie avec une gaîté forcée, et tâchait de l’atténuer en renchérissant. Il y avait aussi par là des gens qui le comprenaient mal, qui s’exagéraient le sens des mots trop choisis pour eux, et qui répondaient à un persifflage innocent de manière à le couvrir de honte.

Une fois dans cette voie, la belle humeur de ces messieurs prit ses plus rudes allures. Cette grande familiarité aboutit au mépris. On n’épargna plus Collinet ; il était le bouffon, le nain, le souffre-douleur ; on se permit tout avec lui. Les sots sont là-dessus comme les enfants mal