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dû proposer à la faculté de médecine ; mais jusqu’alors Thibault n’avait rien dit du but principal de son voyage, ni de son incomparable découverte. Le rigoureux secret gardé là-dessus, avec un ami tel que mon père, donnera une idée du prix qu’il y attachait. Mon père le comprit à cet égard et respecta son silence.

Durant les quelques jours qui suivirent, nous vîmes fort peu Thibault, et dans l’état des choses publiques, on y fit moins attention qu’en tout autre temps. Le pauvre inventeur, sans doute, se donna la satisfaction d’expérimenter lui-même les difficultés insurmontables qu’on lui avait fait pressentir. Il ne dit rien de ses nouvelles démarches, ni de tout ce qu’il tenta auprès des autorités ; mais on peut juger d’après ce silence même que ses efforts ne furent rien moins que satisfaisants. Mon père put surtout s’en convaincre par le découragement profond que fit paraître Thibault dans une de leurs dernières conversations, qui eut lieu dans le jardin du Palais-Royal, et que mon père m’a fidèlement rapportée. Thibault, blessé au cœur, déchu de ses espérances magnifiques, provoqua cet entretien du haut de sa grandeur méconnue. Il y avait alors dix jours pleins qu’il était dans Paris. La conversation s’étant engagée sur les résultats de son voyage, mon père connut à sa morne contenance combien ils étaient affligeants et combien il en était touché.

— Mais enfin, lui dit mon père, pardonne-moi l’indiscrétion, si c’en est une ; quel est ton grand chef-d’œuvre et la cause principale de ton voyage ?…

Thibault s’arrêta, regarda mon père, leva les yeux et la main vers le ciel avec une tristesse solennelle.