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flait dans l’éloignement, le tout dominé par le bourdon de Notre-Dame, qui sonnait le tocsin ; la guerre civile était allumée sur tous les points de la ville. De temps à autre quelque détachement de troupes escaladait la barricade élevée sous nos fenêtres. Vous jugez dans quel état nous étions au fond de nos maisons, et si les cœurs étaient serrés. Un spectacle navrant, surtout, ce fut de voir passer des blessés sur des brancards ou des fusils croisés.

Puisque je ne fais point mon conte dans les règles ; je n’omettrai pas un trait qui devint pour moi le plus remarquable de cette révolution, et qui me parut instructif en fait de guerres civiles, s’il nous était permis, à nous autres Français, d’apprendre encore quelque chose. Nous avions pour voisin de face, dans notre rue, un vieil officier de l’ex-garde nationale, nommé M. Desvaux, et grand royaliste. Ce jour-là, M. Desvaux juge qu’il n’est plus permis à un homme de son grade et de son opinion, de demeurer à l’écart, il revêt un vieil uniforme assez incomplet, et nous le voyons sortir en admirant son courage et son dévouement à la cause royale. Dans l’ignorance où il était, il pensait que la seule vue de son uniforme mettrait le holà parmi les révoltés. Sur le soir, on le voit revenir couvert de rubans tricolores et porté en triomphe par des crocheteurs ; on l’avait pris pour un chef des insurgés, et, voyant le progrès des choses, il s’était laissé faire. Il devint l’un des meilleurs serviteurs du gouvernement nouveau.

La nuit tomba, mais la mousqueterie grondait avec un fracas plus sinistre dans l’obscurité. On alluma dans chaque carrefour des feux qu’on prenait de loin pour des in-