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murailles d’un col de chemise qui se dressait à une hauteur prodigieuse par la seule force de l’empois. Tel me parut Thibault, une longue boîte en fer-blanc sous les bras.

Mon père voulait le faire asseoir ; mais avant tout il cherchait à le débarrasser de cette boîte de fer-blanc que Thibault, dans sa première émotion, ne faisait pas mine de lâcher.

— Mais que fais-tu donc de cette boîte ? lui dit mon père qui le tutoyait dès l’enfance.

— Elle m’a rendu les plus grands services. C’est un appareil que j’ai imaginé avant de partir.

Il ouvrit froidement cette boîte, où je distinguai, comme dans les boîtes de peinture à l’huile, une douzaine de compartiments garnis de matières diverses. En même temps une forte odeur de cuisine s’exhala dans la pièce.

— Eh ! Dieu me pardonne, dit mon père en se penchant, je crois que voilà des œufs en salade…

— Tu dis vrai.

— Et de la confiture…

— Chaque case contient un mets. J’avais là tout mon dîner sous la main ; je tenais cette boîte sur mes genoux, et par ce moyen je n’ai point quitté la voiture un moment, économie et promptitude.

— Bien, bien, repose-toi, dit mon père en lui tirant la boîte des mains, de peur qu’il ne nous échappât quelque éclat de rire.

Thibault se laissa tomber sur un siège, poussa trois soupirs sur un ton de basse, et tendit encore la main à mon père en répétant sa phrase d’arrivée.

— Tu me sauves la vie !… quand on est étranger… in-