Page:Ourliac - Nouvelles.djvu/144

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

blés devant la fenêtre qu’on venait de fermer. Il y avait dès ce jour dans Paris une fermentation qui fournissait à tous les entretiens ; mon père nous donnait des nouvelles. Des enfants jouaient dans la rue parmi le fracas des voitures, mais au milieu de ces bruits bien connus, une forte voix d’homme s’élevait à temps égaux, comme pour appeler quelqu’un à une grande distance.

— Chut ! fit mon père, qu’est-ce donc ? j’ai cru qu’on prononçait Giusep.

Giusep était dans le midi le nom d’enfance de mon père, qui se nomme Joseph ; nous nous égayâmes et du nom et de l’étrange hasard qui l’aurait fait résonner sous nos fenêtres, à Paris, en pleine rue Royale.

Mais la même voix articula distinctement :

— Giusep !

— M’en croirez-vous ? dit mon père.

— Qu’est-ce que cela prouve ? répliqua quelqu’un, sinon que vous avez près d’ici un compatriote et un homonyme.

— Je ne dis pas non, mais vous conviendrez qu’il est bien étrange…

— Giusep ! cria la voix avec un accent piteux.

— Il faut que j’en aie le cœur net, reprit mon père que ce nom et cette voix avaient tout ému, et quoi qu’on lui pût dire, il se jeta dans l’escalier. La conversation continue. Après quelques minutes, un dialogue, où perce une grosse voix, se fait entendre sur le palier ; la porte s’ouvre, mon père paraît tenant par les mains un inconnu qui répète en entrant :

— Giusep ! Giusep ! tu me sauves la vie !