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Quelle épreuve, et quel moyen pour l’orgueil de sortir de la lutte ? elle leur donnait mille occasions de s’empresser autour d’elle. Tantôt elle laissait nonchalamment tomber son mouchoir, et l’un d’eux se précipitait pour le ramasser avec des signes que je comprenais ; tantôt elle prononçait étourdiment une phrase, et l’on y donnait réponse avec des allusions que je saisissais. Ils feignaient tous de regarder la campagne. Moi aussi je regardais le bord de la rivière pour m’assurer que nous allions arriver, nous approchions, en effet. Cette femme, que j’avais épousée devant Dieu, tenait dans ses mains un bouquet qu’elle effeuillait nonchalamment. Une fleur qu’elle en avait détachée roula par terre. Je détournai la tête à ce comble d’audace, et celui qui avait ramassé cette fleur la serra dans son sein. Je le vis très-bien, et je sentis tout mon sang refluer à mon visage. J’étais étouffé, aveuglé, et je serrai convulsivement le bord de la barque comme si j’allais être précipité dans l’eau ; il me restait à peine assez de force et de clarté dans l’esprit pour réfléchir à ce que je devais faire. Courir à ce jeune homme ? le prendre à la gorge ? quelle scène ! quel ridicule ! et puis, n’aurait-il pas fallu attaquer tous ceux qui étaient là ? n’aurait-il pas fallu s’en prendre chaque jour à la foule et toujours avoir l’épée à la main ? j’étais pâle, tremblant, hors de moi, par malheur, hélas !…

L’ermite poussa cette exclamation du fond de sa poitrine, d’un ton pitoyable, en frappant ses mains l’une contre l’autre.

— La barque toucha : nous étions arrivés. Les jeunes femmes se poussèrent en tumulte l’une après l’autre, avec