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AU PAYS DE RENNES

besoin de mettre mes lunettes pour cela. Tu ne changeras donc jamais ? Le grand Michel sera toujours un braillard et un hâbleur ; mais cependant si la tête est folle, le cœur est bon. »

Ce dialogue échangé, ils se serrèrent cordialement la main et rapprochèrent leurs chaises du feu.

Le tailleur, questionné sur sa longue absence, nous apprit que la manie des voyages s’était emparée de lui, et qu’afin de la satisfaire, il était parti, un beau matin, pour aller apprendre, dans le fond de la Bretagne, les récits qu’on lui avait tant vantés. « Je reviens, ajouta-t-il, bien désenchanté, mes bons amis ; leurs histoires peuvent être plus belles que les nôtres, mais je ne le crois point. D’abord, ils les racontent dans une langue que je n’ai pu comprendre, et ils se refusent à les traduire, parce qu’elles perdraient toutes leurs beautés. Menteries que tout cela ! Si elles étaient vraiment si charmantes, ils pourraient les dire dans toutes les langues, et surtout en français. »

Les heures s’écoulaient ainsi, la pluie tombait toujours, et la conversation de mes deux voisins ne tarissait pas. Le grand Michel avait parlé de la légende de la Mare à la fiancée, et j’étais bien décidé à ne pas partir avant de l’avoir entendue. Or j’offris un pichet de cidre à la société, — sûr moyen d’être bien accueilli, — et je priai le tailleur de nous la raconter. Le père Sanglé se fit bien un peu tirer l’oreille, mais, le grand Michel aidant, nous parvînmes à le décider.