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CANTON SUD-OUEST DE RENNES

Près du feu, un petit tailleur, assis sur un escabeau, cousait un vêtement, et deux bambins se roulaient, dans les cendres du foyer, en tirant de temps en temps les oreilles et la queue d’un chat maigre, qui s’obstinait à garder sa place. — Ma présence ne sembla déranger personne. Je pris un siège et m’assis près du feu.

À en juger par leur conversation, mes voisins devaient être chaufourniers ; ils se plaignaient amèrement de la modicité des prix de journées et du vilain temps qui les empêchait souvent de travailler. Dans ce pays, du reste, tout le monde est chaufournier, mineur ou potier. Ce sont les seules industries de la contrée.

Au bout d’un instant, la porte s’ouvrit tout-à-coup, et un grand gaillard, à figure joviale, parut sur le seuil.

— « Tiens, dit-il, je m’en doutais, les camarades sont là, et je viens trinquer avec eux. » Puis, avisant le petit tailleur, il s’écria : « Est-ce possible ? je n’ose en croire mes yeux ! Le père Sanglé en chair et en os comme saint Amadou ! D’où s’arrache-t-il ? je ne l’ai pas vu depuis près de dix ans, et je le reconnais tout de suite. Dame ! ce n’est pas étonnant, au surplus, il m’amusait tant, lorsque j’étais petit, avec ses contes de revenants qui m’empêchaient de dormir. A-t-il dû en apprendre dans ses voyages ! Mais, c’est égal, s’il veut m’en raconter un, je choisirai encore, comme autrefois, la Mare à la fiancée. »

Le tailleur, que ce flux de paroles fit sourire, leva la tête et dit :

— « Moi, grand bavard, je te reconnaissais à la voix. Je n’ai pas