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pérance d’être heureux, et de la manière la plus vive ? Mais s’il ne faut que s’interdire cette espérance, il n’est pas permis de se tromper sur les moyens du bonheur. L’expérience doit du moins nous apprendre à compter avec nous-mêmes, et à faire servir nos passions à notre bonheur ; on peut prendre sur soi jusqu’à un certain point : nous ne pouvons pas tout, sans doute, mais nous pouvons beaucoup ; et j’avance, sans craindre de me tromper, qu’il n’y a point de passion qu’on ne puisse surmonter, quand on s’est bien convaincu qu’elle ne peut servir qu’à notre malheur. Ce qui nous égare sur cela dans notre première jeunesse, c’est que nous sommes incapables de réflexions, que nous n’avons point d’expérience et que nous nous figurons que nous rattraperons le bien que nous avons perdu à force de courir après ; mais l’expérience et la connoissance du cœur humain nous apprennent que plus nous courons après, et plus il nous fuit : c’est une perspective trompeuse qui disparoît quand nous croyons l’atteindre.