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UN SAUVETAGE

un peu plus brusque découvrait un peu plus haut une jambe fine, il en ressentait jusqu’au fond du cœur un vif plaisir. Par contre, il ne voyait qu’avec envie et dépit les jeunes gens qui jouaient avec elles. Ils étaient la jeunesse, et lui, sans être vieux encore, ne pouvait pas rivaliser avec eux. Ils étaient ceux qui venaient derrière lui et le poussaient jour par jour par les épaules en lui disant :

— Allons, mon ami, cède la place… il te reste encore les joies calmes de la vie, mais celles qui demandent de la vigueur, de la jeunesse, ne sont plus pour toi : à notre tour…

Il en était de tout presque comme de cette partie de tennis : les autres jouaient et lui regardait jouer. Il n’était pas vieux, cependant, avec quelques artifices il pouvait passer pour un homme encore presque jeune, de même qu’avec quelques soins il pourrait fournir une assez bonne carrière : mettons qu’il en arrivait à l’âge où il faut commencer à se ménager.

Ainsi, les jeunes gens jouaient et le baron les regardait jouer, ou plutôt il regardait les jeunes filles, et particulièrement Germaine Montfort, la fille du sénateur.

Certes, il rendait hommage à la beauté de Suzanne, il la trouvait belle, peut-être même trop belle pour lui. Longtemps il avait hésité entre ces deux beautés ; mais enfin, il ressentait un penchant secret pour Germaine.

Suzanne était brune, un peu hautaine ; Germaine, au contraire, était blonde, d’une beauté moins imposante, mais plus touchante, plus intime, plus délicate. Ses cheveux d’or fin faisaient à sa jolie tête une auréole vaporeuse, son teint était de lis et de roses, et sa bouche délicatement arquée donnait à son visage une expression à la fois alanguie et voluptueuse.

Vraiment, si les yeux allaient de l’une à l’autre avec un égal enchantement, le cœur avait bien des excuses pour rester en balance.

— Ah ! ah ! baron, je vous y prends !… Il me semble que vous suivez ces jeunes filles d’un œil bien passionné.

Le baron se retourna, sourit et tendit la main à Maurice Alban, qui le surprenait ainsi.

— Oh ! protesta-t-il, passionné…

— Allons, allons, ne vous défendez pas.

— Je ne me défends pas, mais le mot est peut-être excessif.

— Que non pas… Je vous observais en venant jusqu’à