Page:Olivier - Un sauvetage, 1938.pdf/60

Cette page a été validée par deux contributeurs.
58
UN SAUVETAGE

devait lui arriver souvent. Mme de Saint-Crépin planait trop haut pour remarquer ces détails, au moins les premières fois.

Et ils allèrent cacher leurs amours sous d’autres cieux.

Par cette belle nuit d’une clarté laiteuse, sous le regard des étoiles, témoins indifférents de nos joies et de nos misères, le baron et Maurice se promenaient sur la plage. La mer était calme et les vagues venaient mollement mourir sur le sable avec un doux murmure qui faisait un accompagnement en sourdine aux paroles des deux hommes.

— J’en suis persuadé, disait Maurice, elle accueillera vos aveux d’une oreille attentive et d’un sourire heureux.

— Qu’est-ce qui vous fait croire cela, mon ami ?

— Mais tout, sa façon d’être, son attitude quand on parle de vous ou quand vous êtes là, sa rougeur subite lorsque j’ai parfois fait allusion, d’une façon éloignée, à vos sentiments.

— Je ne me suis pas aperçu…

— Naturellement, vous ne vous êtes pas aperçu parce que vous êtes amoureux, c’est-à-dire aveugle.

— Oh !…

— Mais si, mais si, vous l’aimez cette superbe Suzanne, vous l’aimez et elle est toute prête à se laisser aimer, à vous aimer même. Et pourquoi pas, ne le méritez-vous pas comme un autre ? Et vous retardez l’instant du bonheur par une timidité invraisemblable et qui en devient ridicule.

— C’est vrai, si je n’étais pas sincère j’aurais osé cent fois ; c’est la peur d’un refus qui m’arrête, la peur d’être malheureux.

— Puisque je vous assure que non… Tenez, demain, voulez-vous que nous sortions de bonne heure, les deux jeunes filles, vous et moi ? Nous irons jusqu’au roches-noires, et nous vous laisserons en tête à tête ; mais profitez-en, sapristi, profitez-en !

Le lendemain, Germaine et Suzanne, en toilettes claires passaient sur la plage ; Maurice était avec elles. Le baron venait au-devant d’eux ; on l’invita à la promenade. Dans le bourg ils marchèrent ensemble en causant de la pluie et du mauvais temps, puis ils s’engagèrent dans le chemin qui serpentait à travers champs et montait aux