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UN SAUVETAGE

laissez-vous aimer, laissez-moi espérez que vous m’aimerez un peu…

Pour toute réponse Germaine leva vers Maurice ses beaux yeux clairs. Et ces yeux qui tout à l’heure avaient rayonné d’une puissance magnétique assez forte pour obliger un homme à obéir, se remplirent maintenant d’une douceur si langoureuse, si émouvante que le jeune homme se sentit voluptueusement remué jusqu’au plus profond de lui-même.

Dès que Germaine et Maurice furent partis, José se prit à réfléchir. Ainsi, la jeune fille lui échappait définitivement : dommage, elle était jeune, jolie, riche. Mais il n’y avait plus rien à faire qu’à en chercher une autre. Chercher ici même, c’était dangereux, un mot de Maurice et il était brûlé. Pourtant il fallait prendre une décision, les réserves baissaient, il fallait trouver des ressources ; chercher ailleurs, refaire patiemment la situation qu’il s’était faite ici c’était long et coûteux, et puis la saison s’avançait.

Alors quoi ? La vieille Mme de Saint-Crépin, l’amoureuse sur le retour ? La dame était plutôt mûre. Eh ! que lui importait la dame. Elle était riche, il y avait à faire.

Il sortit de sa poche la lettre qu’il devait lui remettre et, partant de ce principe qu’il ne faut jamais attendre pour tenter la fortune, il procéda à une toilette soignée ; il avait le temps, avant dîner.

Mme de Saint-Crépin était chez elle ; il aborda le sujet, décidé à mener son affaire rondement, sachant qu’avec certaines femmes c’est encore le meilleur moyen.

— Madame, dit-il en lui remettant la lettre, je me suis chargé de vous remettre ceci.

Elle ouvrit la lettre, la reconnut, regarda José qui prit un air modeste et timide sous ce regard.

— Mais je ne comprends pas, dit-elle, cette lettre était entre les mains de M. Maurice et il devait venir…

— En effet, Madame, j’étais avec M. Maurice ; tout à coup il sortit cette lettre de sa poche et il me dit : « Je dois porter ceci à Mme de Saint-Crépin, ça m’ennuie. »

— Ah ! le misérable, le misérable ! Il a dit : « Ça m’ennuie » ?

— Il me semble bien, Madame, alors je lui ai répondu :

— Si cela vous ennuie, donnez-la moi, j’irai volontiers.