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UN SAUVETAGE

— Je crois que vous avez raison, dit le baron, dès qu’elles se furent éloignées, elle est supérieurement belle.

— Quand je vous le disais… Et remarquez, Germaine a l’air de ne pas faire attention à vous, malgré vos mérites, tandis que Suzanne ne peut pas vous regarder sans rougir.

— C’est vrai.

— Autre considération : vous épousez une femme riche, elle peut toujours supposer que c’est pour sa dot, ou tout au moins elle n’a pas d’obligation à vous avoir. Vous épousez une femme sans dot, il est bien évident que c’est pour elle-même ; vous la faites riche et elle vous en a une reconnaissance qui devient vite de l’amour.

— C’est encore vrai.

— Allons, baron, poussez vos affaires, je vous promets que je ferai tout pour vous.

— Merci.

Lorsque les joueurs revinrent, la partie finie, tous se levèrent et se promenèrent sur la plage. Au hasard des groupes qui se formaient et se déformaient, Maurice réussit à s’isoler avec Suzanne.

— Êtes-vous toujours disposée à épouser le baron ?

— Oui, répondit-elle en le fixant gravement. Pourquoi ?

— Pour travailler pour vous.

— Mais sa demande de Germaine ?

— Je lui ai prouvé qu’il s’était trompé et que c’était vous qu’il devait aimer et épouser.

Il fit un signe d’entente à Suzanne qui sourit, et il alla trouver Germaine.

— Mademoiselle, dit-il, vous m’avez demandé quelques jours de réflexion. Est-ce aujourd’hui que vous mettez fin à mon supplice ?

Germaine tourna vers lui ses grands yeux clairs où déjà de petites lueurs brillaient comme des espérances.

— Pensez que je vous aime, continua Maurice, que je vous aime depuis si longtemps sans espoir, et maintenant que j’ai pu, grâce à mes efforts, à ma ténacité, éclaircir mon horizon et approcher de vous-même, songez à ma désolation si les derniers obstacles venaient de vous.

Germaine ne répondait pas, mais déjà l’émotion gonflait son cœur. À vingt ans, le cœur ne peut pas rester insensible et muet : il parle et il bat, il se trompe parfois, il souffre, il se reprend ; désabusé, il cherche autour de lui un objet plus digne : c’est ce qui se passait chez Germaine. Sa pre-