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UN SAUVETAGE

— Vous en parlez comme un philosophe qui a beaucoup vécu et aussi beaucoup réfléchi.

— Peut-être.

— Et vous n’avez pas fini, baron, vous n’avez pas fini : votre assiduité à cette place devant ces deux jeunes filles nous fait supposer que vous n’avez pas dit votre dernier mot.

Et Maurice hochait la tête d’un air entendu en le menaçant du doigt.

— Peut-être, peut-être, répondit le baron, presque content d’avoir été deviné. Ah ! jeune homme, vous êtes observateur, on ne peut rien vous cacher.

— Ne me cachez donc rien, baron, vous savez, moi aussi j’ai beaucoup réfléchi, je puis être de bon conseil, et je suis le tombeau des secrets.

— Eh bien, reprit le baron convaincu, sachez que j’ai demandé en mariage Mlle Germaine.

Mlle Germaine ?… fit Maurice étonné, quoiqu’il le sût depuis longtemps. Ah !…

— Pourquoi faites-vous : Ah !…

— Pour rien, dit Maurice d’un air à vouloir qu’on insiste.

— Mais encore ?

— Faut-il vous parler franchement ?

— Sans doute, je vous en prie.

— Eh bien, à votre place, je n’aurais pas pensé à Germaine.

— Tiens, pourquoi ?

— Pourquoi… pourquoi… est-ce que je puis dire ! dit Maurice d’un air à faire des restrictions, des tas de choses qui se sentent et ne peuvent pas s’expliquer, des histoires de tempérament, de caractère… Je vous connais tous les deux, n’est-ce pas, eh bien ! non, non, à votre place, ce n’est pas Germaine qui aurait eu mes pensées.

— Elle est pourtant bien jolie.

— Eh oui ! elle est bien jolie, mais l’autre, son amie Suzanne, la voilà la femme qu’il vous faut. Germaine est jolie, mais l’autre, regardez l’autre quelle belle femme, quelles épaules ! Et puis elle est brune, une brune superbe ! Tenez, avez-vous vu ce coup de raquette, comme c’est franc, comme c’est net ! Et les bras ! et ce demi-tour qui a plaqué la jupe contre les jambes… Eh ! les devine-t-on fines et nerveuses, ces jambes !

— Oui, oui, en effet, disait le baron indécis.