On s’en soucie assez peu ; les gens vont, viennent, disparaissent, on le remarque par une phrase indifférente, puis on oublie.
José, après l’histoire de l’autre soir, n’osait plus se montrer ; il aurait pu partir, mais il avait reçu un mot de Maurice lui demandant de ne pas bouger tant qu’il n’aurait pas reçu sa visite ; il lui promettait une compensation qui serait une bonne affaire.
Au fond, Maurice se moquait pas mal de José et il aurait volontiers renoncé à l’histoire de Mme de Saint-Crépin, mais il voulait avant tout rentrer en possession des lettres de Germaine.
Le baron la regardait aller, venir, rattraper la balle au bond et la renvoyer. Serait-elle sa femme, cette belle jeune fille dont la chevelure d’or flambait aux rayons du soleil couchant, serait-elle sa femme ? Il n’osait guère l’espérer. Depuis qu’il avait fait sa demande, il attendait. Ce matin même, il avait rencontré M. Monfort et lui avait demandé un mot d’espoir ; le sénateur avait hoché la tête d’un air évasif et avait marmotté quelques mots qui ressemblaient à une défaite.
En face de Germaine, il y avait Suzanne. Au fait pourquoi avait-il demandé l’une plutôt que l’autre ? Quand il les voyait toutes les deux, il s’étonnait d’avoir pu choisir.
Celle-ci refusait ! Pourquoi n’avait-il pas demandé l’autre ? Oserait-il, maintenant ? Et pourquoi pas ?
— Eh bien ! baron, toujours à votre poste d’observation.
— Que voulez-vous, dit-il, la vie est courte et les joies de ce monde, fugitives.
— Hélas !
— Croyez-vous qu’il y ait un regret plus amer, lorsqu’on arrive aux derniers moments de son existence que de se dire : « J’ai gâché ma vie, j’ai été un maladroit, je n’ai pas pris les bonnes choses que la vie m’offrait !… » Et au contraire, il ne doit pas y avoir de consolation meilleure que de se dire : « C’est bon, je m’en vais, je sais bien que chacun part à son tour, mais je ne regrette rien, j’ai vécu selon mon cœur, selon mes goûts. »
— Oui, mais les goûts de chacun lui sont particuliers.
— Tant mieux, c’est ce qui fait qu’il y a du bonheur pour tout le monde ; le tout est de le trouver, de le savourer et de ne pas être trop difficile.