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UN SAUVETAGE

Vous voulez une explication, je suis bien obligé de vous dire ce qui est nécessaire ; cela est pénible, mais ce n’est qu’un moment…

Germaine comprit et se rassit.

— Vous aviez donc décidé de partir avec José. Je voudrais vous parler de lui le moins possible… mais j’y suis bien obligé, pour me justifier, je connais José depuis longtemps, et je l’ai reconnu, quoiqu’il ait changé de nom et de physionomie autant qu’il l’a pu.

— Changé de nom ? fit Germaine interloquée.

— Oui, Mademoiselle. Aussi, quand j’ai su que vous vouliez partir avec lui, je l’en ai empêché.

— Vous l’avez empêché ! s’écria Germaine en se rebiffant une fois encore, vous l’avez empêché ! Mais de quel droit vous mêlez-vous de mes affaires ?

— De quel droit ? Je vais vous le dire, Mademoiselle. José s’appelle de son vrai nom Auguste Lagrue. Il y a six ans, il vivait au quartier latin et il y était assez connu, surtout des garçons de café, des clientes des brasseries de nuit et des sergents de ville. Il vivait, je ne puis guère vous expliquer comment et de quoi, sauf cependant pour quelques périodes pendant lesquelles le gouvernement se chargeait de sa nourriture et de son logement. Je n’ai pas besoin de vous assurer que ceci est vrai, je peux le prouver, et la meilleure preuve, ce serait, s’il le fallait, son propre aveu. Je peux même ajouter que si je n’en dis pas davantage, c’est par pudeur et parce que je crois que c’est inutile. Auguste Lagrue, d’allure vulgaire, inquiétante même, est devenu José etc… aux manières distinguées. Comment cela est-il arrivé ? Je n’en sais rien, mais ce n’est pas difficile à deviner : il a fait une opération fructueuse qui lui a permis de s’habiller à la mode, de fréquenter les endroits distingués et de prendre modèle sur les gens bien élevés. Il en est quitte pour surveiller ses gestes et ses paroles. Et il s’est mis, comme autrefois, à la recherche de victimes, mais non plus cette fois de pauvres petites victimes humbles et d’un rapport douteux, mais d’une victime qui lui apporterait d’un seul coup la fortune et une honorabilité. Germaine avait écouté en silence cette longue tirade ; tout à l’heure, c’est avec une fierté un peu arrogante qu’elle avait lancé :

— De quel droit vous mêlez-vous de mes affaires ?…

Mais à mesure que Maurice parlait, cet orgueil offensé se faisait de moins en moins fier, et lorsque le jeune homme