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UN SAUVETAGE

Maintenant il fallait prouver à Germaine qu’il lui avait rendu un fier service, et cependant ne pas prendre la pose ridicule du sauveur. Et surtout, surtout, ne pas compromettre l’avenir de bonheur qu’il espérait avec elle.

Il n’y avait pas cinq minutes qu’il était seul qu’il vit une forme féminine s’avancer en se dissimulant le plus possible ; lui-même se cacha derrière un arbre pour que sa présence ne la fit pas changer de chemin, et il ne se montra que pour se trouver exactement devant elle.

— Tiens, Mademoiselle Germaine !… Par quel hasard ?…

— Et vous même, Monsieur Maurice ?…

Maurice fit exprès de ne pas remarquer l’air troublé de la jeune fille, et il continua tout naturellement :

— Je faisais une petite promenade. La soirée est délicieuse… Et vous allez à la gare ? Vous attendez quelqu’un ? Non… Alors je vous accompagne.

Ils entrèrent dans la gare. Germaine d’un coup d’œil circulaire, chercha José, en même temps que le moyen de se débarrasser de ce Maurice indiscret et gênant. José n’était pas là. Quand il serait là ils trouveraient bien le moyen de s’échapper. Où était-il donc ? L’heure passait, le train allait partir. N’aurait-il pas dû être là bien avant l’heure ? Et en même temps qu’elle pestait contre Maurice elle sentait en elle une sourde colère monter contre ce maladroit de José qui n’arrivait pas.

Les minutes coulaient, inexorables. Germaine passa sur le quai ; Maurice ne la quittait pas d’une semelle. José n’arrivait toujours pas. Germaine sentait ses nerfs se tendre et son cœur se gonfler.

Les employés fermaient les portières. Germaine eut un moment envie de sauter dans un wagon ; mais que faire, où aller sans lui ?

Et elle regarda le train s’enfuir, le train qui aurait dû emporter son bonheur, ses espoirs, et qui s’en allait sans elle. Elle le regarda tant qu’elle put distinguer sa petite lueur rouge qui s’éloignait et qui se perdit bientôt dans la nuit. Elle sentit une main se glisser sous son bras ; elle se retourna et vit Maurice, qu’elle avait un peu oublié. Elle se laissa entraîner hors de la gare.

— Maintenant, nous pouvons rentrer à la maison, dit-il en sortant, il ne viendra plus.

Germaine s’arrêta, le regarda de ses grands yeux, démesurément ouverts et éclata en sanglots.