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UN SAUVETAGE

— Assez réfléchi, dit-il, j’ai un beau rôle à jouer, à l’action !

Deux coups frappés à la porte le ramenèrent à ses fonctions ; il se retourna pour voir entrer Mme de Saint-Crépin.

— Eh ! bonjour, cher Monsieur, minauda-t-elle, je venais voir M. Montfort pour ma petite affaire.

— Il vient de sortir, Madame.

— Enfin, je n’aurai pas fait un voyage inutile puisque j’ai le plaisir de vous trouver.

— C’est vrai, Madame, mais j’aurai le regret de ne pas vous donner des nouvelles de votre affaire ; nous n’aurons la note du Ministère qu’à la fin de la semaine prochaine.

— Eh ! dépêchez-vous… Vous savez que j’ai des propositions très alléchantes de la partie adverse…

— Sans doute, mais ce ne sont que des promesses…

— Des promesses que l’on tiendra.

— Mais nous aussi nous les tenons, les promesses ; seulement vous ne nous laissez pas le temps… Et puis, songez que si vous passiez à l’ennemi, vous n’auriez plus le plaisir de venir nous voir.

— C’est vrai, ne riez pas… Si je vous disais que c’est beaucoup pour vous que je reste fidèle à M. Montfort.

— J’en serais fier comme un bon secrétaire heureux de rendre service à son patron. Il tient beaucoup à vous, mon patron… et moi aussi, d’ailleurs ; mais ce n’est pas pour la même raison : lui, c’est pour sa politique… Je vous demande un peu si la politique tient devant une jolie femme…

À ces mots, Mme de Saint-Crépin se rengorgea, se trémoussa, dodelina de la tête ; sa patte d’oie s’épanouit et ses lèvres trop rouges s’entr’ouvrirent sur son râtelier.

— Croyez-vous que ce ne soit pas un plaisir, continua Maurice de voir entrer dans ce triste bureau une jeunesse alerte ?… Une robe claire met une note gaie… Il semble qu’il entre un peu de l’air pur et du soleil de dehors… Et dites-moi, chère Madame, ne deviez-vous pas me montrer cette fameuse lettre de Comtois.

— Vous y tenez donc bien ?

Maurice qui avait une idée derrière la tête, fit faire un quart de tour à sa chaise, prit avec effusion la main de la vieille belle, et d’un geste à la fois grotesque et attendrissant la porta à ses lèvres.

— Si j’y tiens !… Je crois bien… Songez donc : que je puisse dire à mon patron que je l’ai vue, quelle bonne note