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UN SAUVETAGE

Les jeunes filles s’étaient assises ; les jeunes gens s’approchaient à leur tour. Suzanne s’était placée auprès du baron.

— Vous avez tort, baron, lui dit-elle, un peu d’exercice vous ferait du bien.

Gilbert de Cerdon s’assit un peu à l’écart ; José se rapprocha le plus qu’il put de Germaine Montfort et, tout en écoutant par politesse la conversation générale et y prenant part, même, on les voyait par instants se pencher l’un vers l’autre et échanger quelques mots à voix basse.

Maurice ne disait pas grand’chose ; tout son esprit, toute sa perspicacité, toute sa force d’attention étaient concentrées sur ce tableau qu’il avait sous les yeux, sur ces divers personnages ; il connaissait leur situation et il démêlait à travers leurs paroles et leurs gestes les sentiments qui les faisaient agir.

Ainsi le baron désirait vivement l’une de ces jeunes filles, Suzanne ou Germaine, qu’il avait l’air de préférer ; mais il avait la quarantaine. Son âge l’arrêterait-il ou bien passerait-il outre ? Suzanne aurait sans doute épousé volontiers Gilbert, mais ils étaient pauvres tous les deux ; avant tout il faut vivre, et c’est pourquoi elle essayait d’enjôler le baron qui était immensément riche. José, lui, avait l’air d’être au mieux avec Germaine, et Maurice les regardait avec un sourire où il y avait de l’ironie, un peu de sarcasme, l’air de dire : « Attendez un peu que je m’en mêle… », et malgré tout un peu d’inquiétude, car enfin, on ne sait jamais.

Maurice était un garçon très intelligent, d’une raison très droite, d’un raisonnement assez sûr, ce qui ne l’empêchait pas d’avoir un cœur et de le laisser battre librement : il aimait la fille de son patron le sénateur Montfort, Germaine. S’il avait eu de la fortune, il aurait poussé ses affaires, mais sa pauvreté le retenait et il se contentait de rencontrer Germaine le plus possible, de causer avec elle, ce qui lui était assez facile de par sa situation et ce qui n’avait pas l’air de déplaire à la jeune fille.

Mais depuis quelque temps il avait découvert que Germaine prenait un grand plaisir en la compagnie de ce José, qui sortait on ne sait d’où, sur le compte duquel circulaient des histoires exotiques et qui possédait ce vernis superficiel, ces qualités extérieures auxquelles se prennent les femmes qui ne vont pas chercher plus loin.

Donc, pour Maurice, José c’était l’ennemi ; mais en homme avisé, il se gardait bien de le combattre ouverte-