Page:Oeuvres de madame Olympe de Gouges.pdf/481

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

époux ignorât toujours ſa démarche. Quant à moi, je n’ai que le mérite de garder le ſecret ; & quoiqu’on diſe que notre ſexe eſt inconſéquent, je veux donner des preuves du contraire.

M. Pinçon.

Il eſt vrai que l’on n’a jamais vu ſecret mieux gardé. Trois femmes d’accord ſur ce point ! Quel prodige ! Mais doit on s’en étonner, quand on connoit la bizarerie du caractère féminin ? Il excelle toujours dans les extrêmes. Dans la circonſtance, dont nous parlons, toute autre femme aurait employé la ruſe & les moyens les plus ſéduiſans pour detromper ſon marie : Madame la Marquiſe au contraire, a tenu juſqu’ici la conduite la plus propre à la faire paroître coupable. Elle alaite ſon enfant, cette action part d’un ſentiment bien louable ; mais elle eſt déplacée dans la circonſtance préſente. Puiſque vous vouliez, Meſdames, ſi bien garder le ſecret, il falloit détourner Madame la Marquiſe de ce projet, juſqu’au moment qu’il vous auroit pris la fantaiſie d’inſtruire Monſieur le Marquis qu’il étoit père, ſans qu’il s’en fut jamais douté. Mais qu’allez-vous devenir ? Il arrive de ſon Régiment & vient paſſer trois mois dans cette terre : il faudra bien que la bombe crêve. Pour moi, j’en crains déjà les éclats.

Madame Pinçon.

Mon cher Monſieur Pinçon, pour avoir ſervi ſous un Militaire, vous n’êtes pas bien aguerri.

M. Pinçon.

Eh, Madame, ſoyons juſtes. Quel eſt l’homme