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CHANT CINQUIÈME. 137

Garde, Albion, tes roses réunies 1,

Teintes encor du sang de tant de preux !

Aux fronts heureux Wilfrid vous abandonne,

Fleurs du printemps ! vous affligez son cœur :

Il a cessé de rêver le bonheur,

Le noir cyprès forme seul sa couronne.


Saisis ton luth, troubadour chevalier,

De tes exploits, le noble prix s’apprête !

C’est la beauté qui pose sur ta tête,

En souriant, le lierre et le laurier !

Que le clairon célèbre les batailles !…

Lorsque l’airain, par ses accens de deuil,

Annoncera mes tristes funérailles,

Du noir cyprès couronnez mon cercueil.


Oui, préparez le cyprès funéraire

En souvenir, hélas ! de mes amours !

Mais que le ciel, propice à ma prière,

Me daigne encore accorder quelques jours !

Sur mon tombeau l’habitant du village

Viendra semer les fleurs du romarin,

Matilde aussi daignera de sa main

Du noir cyprès y mêler le feuillage.

XIV.

O’Neale remarqua une larme près de tomber des yeux de Wilfrid, et lui dit, avec une franche amitié : — Non, non, noble fils d’Oswald, avant que nos contrées aient à déplorer le silence d’un si généreux troubadour, tu recevras encore plus d’une couronne des mains de l’amour et de celles de l’amitié. Je suis loin de désirer qu’un destin rigoureux te condamne comme moi à perdre la liberté ; je plains trop le captif dont les lois de l’honneur enchaînent les mains, et qui porte un glaive oisif dans le fourreau : mais si jamais tel était ton malheur, je voudrais, fier du sourire de ta muse, parcourir avec toi l’Angleterre sur un noble coursier, comme les troubadours d’autrefois, qui allaient demander l’hospitalité aux châteaux des barons. Nous irions saluer tous les amans de la lyre depuis le mont

(1) Allusion aux factions de la rose rouge et de la rose blanche, qui ont tant coûté de sang à la Grande-Bretagne. — En.

138 ROKEBY.