Page:Oeuvres de Walter Scott,Tome I, trad Defauconpret, 1830.djvu/388

Cette page n’a pas encore été corrigée
XXII.

Norman se dépouille lentement de son plaid, et fixe d’un regard attendri son aimable fiancée, jusqu’à ce qu’il aperçoive les larmes qui coulent de ses beaux yeux : hélas ! ils expriment une douleur qu’il doit renoncer à adoucir. N’osant pas risquer un second regard, il part en suivant le cours de Tonde et sans tourner la tête, jusqu’à ce qu’il ait atteint le lac de Lubnaig.

Quelle pensée afflige le cœur de Norman ? C’est le douloureux sentiment de l’espérance différée, et le cruel souvenir de ses vaines visions du matin. A l’impatience de l’amour se mêle en lui la noble soif de la gloire ; il éprouve cette joie tumultueuse des montagnards lorsqu’ils courent à leurs lances ; il brûle d’un zèle généreux pour son clan et son Chef ; il se figure son retour prochain, et son triomphe lorsque après avoir combattu avec valeur, et portant sur son cimier les honneurs de la guerre, il pourra serrer sa Marie sur son sein. Exalté par ces idées, il franchit les ruisseaux et les bruyères, rapide comme l’étincelle qui jaillit du caillou ; son enthousiasme martial et son amour inspirent à la fois ses chants.

XXIII.
LE CHANT DU JEUNE NORMAN.

Mon lit ce soir sera l’humble bruyère,
Et mes rideaux le feuillage des bois :
Belle Marie, aux accords de ta voix
Va succéder une chanson guerrière.

Peut-être encor qu’un plus profond sommeil
M’attend demain sur la plaine sanglante :
On entendra gémir ta voix touchante ;
Mais ton amant n’aura plus de réveil !

Je n’ose plus me retracer l’image
De la douleur qu’exprimait tes beaux yeux ;
Je n’ose plus rêver à tes adieux ;
Ce souvenir énerve mon courage !