Page:Oeuvres de Walter Scott,Tome I, trad Defauconpret, 1830.djvu/378

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grin, ennemi de la joie et de la sympathie, et semblant confirmer par son caractère la fable de sa naissance mystérieuse.

Il passait des nuits entières au clair de la lune, confiant sa mélancolie aux bois et aux ondes, jusqu’à ce que dans son délire, ajoutant foi lui-même à tout ce que la crédulité superstitieuse racontait de son origine, il en vint à chercher son père fantastique dans les sombres vapeurs et les météores. Vainement les cloîtres lui ouvrirent leurs charitables asiles pour adoucir sa bizarre destinée ; vainement les livres de la science lui communiquèrent leurs trésors ; il n’y trouva que de nouveaux alimens pour nourrir la fièvre de son imagination, et il lut avec avidité tout ce qui avait rapport à la magie , aux secrets cabalistiques et aux enchantemens : ses sombres méditations augmentèrent son orgueil sans rassasier sa curiosité. Enfin, l’ame en délire, et le cœur déchiré par de mystérieuses horreurs , il alla cacher son désespoir dans la grotte obscure du Benharow, et renonça aux habitations des hommes.

VII.

Le désert lui offrit d’étranges visions, qui eussent été dignes de l’enfant d’un spectre. Aux lieux où les torrens luttent contre de noirs rochers, il contemplait les ilots écumeux, jusqu’à ce que ses yeux éblouis vissent apparaître le démon des eaux. Pour lui le brouillard des montagnes prenait la forme d’une magicienne nocturne ou d’un hideux fantôme ; le vent sauvage de la nuit apportait à son oreille les voix plaintives de la tombe ; les champs de bruyère devenaient des théâtres de futurs combats, où la mort moissonnait les rangs des guerriers. C’est ainsi que ce prophète solitaire, séparé de tout le genre humain, se créa un monde imaginaire. Un reste de sympathie le tenait encore lié aux mortels. Sa mère, seul parent qu’il pouvait réclamer, appartenait à l’antique clan d’Alpine.