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Tremblons jusqu'à la fin. Si l'on ne persévere,
Jamais de ses travaux on n'obtient le salaire ;
Jusqu'au dernier instant il faut toujours courir.
Près d'atteindre le terme on peut encor périr.
L'austere pénitent, le pâle solitaire,
Couché sur le cilice, et blanchi sous la haire,
Par un souffle d'orgueil, un impur mouvement,
Un desir avoué, perd tout en un moment ;
Tandis que pénétré d'un remord efficace
Vieilli dans les forfaits un brigand prend sa place.
A la vigne du maître appellé le dernier
Il n'arrive qu'au soir, et reçoit le denier.
Quelquefois par l'effet d'une bonté profonde,
Où le vice abonda la Grace surabonde ;
Mais quelquefois aussi par un triste retour
Un cœur où la vertu fit long-tems son séjour,
Las de sa liberté rentre dans l'esclavage,
Et dans l'abîme affreux plus avant se rengage.
Le dernier coup porté rend le combat certain,
Et pour être vainqueur tout dépend de la fin.
La couronne est placée au bout de la carriere ;
Il faut pour la ravir fournir la course entiere.
De l'église au berceau l'illustre défenseur,
Et des foibles chrétiens le sévere censeur,
Le soutien de la foi, la gloire de l'Afrique,
Tertullien s'égare et périt hérétique.
Pour les enfans ingrats quels regrets superflus,
Lorsque de ton festin, grand dieu, tu les exclus !
Quel désespoir pour eux quand ta voix qui les chasse
Appelle l'étranger pour s'asseoir à leur place !