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Non, que le Dieu puissant, qui sait nous enflammer,
Malgré nous toutefois nous force de l’aimer,
Ni qu’à suivre son ordre il veuille nous contraindre :
En cela pour nos droits nous n’avons rien à craindre.
La Grace se plaît-elle à la gêne du cœur ?
Non, ses heureuses loix sont des loix de douceur.
Il est vrai, qu’aussi-tôt qu’elle se fait entendre,
Un infaillible aveu se hâte de s’y rendre.
Mais faut-il s’étonner que cette aimable ardeur
Dissipe en un moment la plus longue froideur ?
Que du céleste feu cette vive étincelle
Embrase tous les cœurs, n’en trouve aucun rebelle ?
Que cette douce chaîne enchaîne librement ?
Que cette voix obtienne un sûr consentement,
Sans qu’en elle jamais la moindre violence
Arrache cette entiere et prompte obéissance ?
Le malade qui souffre et sent qu’il va mourir,
Repousse-t’il celui qui vient pour le guérir ?
Libre de rejetter un pain qu’on lui présente,
Le pauvre le ravit quand la faim le tourmente.
Et maître de rester dans la captivité,
Toujours un malheureux court à la liberté.
Oui, j’y cours plein d’horreur pour ma premiere chaîne :
Mais celui qui la rompt m’en inspire la haine.
Oui j’y cours ; mais celui qui daigne me l’offrir,
Lui seul a mis en moi la force d’y courir.
Dans cet heureux moment qu’au dieu qui l’environne,
Pleine de ses attraits mon ame s’abandonne,
Et que par son amour, assiégé tant de fois,
A s’y rendre mon cœur détermine son choix ;