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Et quiconque usurpa ce titre audacieux
Fut de tant d’insensés le moins sage à tes yeux.
Pour guérir la nature infirme et languissante,
Ainsi que la raison la loi fut impuissante :
La loi qui ne devant jamais briser les cœurs,
Sans la Grace formoit des prévaricateurs ;
La loi qui du péché resserrant les entraves,
Au lieu de vrais enfans fit de lâches esclaves ;
La loi, joug importun, de la crainte instrument,
Ministere de mort, vain et foible élément.
Ainsi ne put jadis le bâton d’élizée
Ressusciter l’enfant de la mere affligée :
Le prophète lui seul touché de son malheur,
Pouvoit dans ce corps froid rappeller la chaleur.
Le juif portant toujours l’esprit de servitude,
A ses égaremens joignit l’ingratitude.
La race de Jacob, le peuple si cheri,
Engraissé de bienfaits n’en fut point attendri.
Cependant Dieu voulut dans ces tems déplorables
Se former quelquefois des enfans véritables.
On vit avant Moïse, ainsi que sous la loi,
Des justes pleins d’amour et vivants de la foi.
La Grace, dont le jour ne brilloit pas encore,
Sur leur tête déja répandoit son aurore.
L’arrêt de leur trépas fut deslors effacé
Dans le sang qui pour eux devoit être versé,
Et des fruits de ce sang ils furent les prémices.
Mais lorsque le seigneur avec des yeux propices
Regardoit quelques-uns des neveux d’Israël,
Le reste abandonné fut toujours criminel.