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La loi qui me défend le vol, la trahison,
Cette loi qui précède, et Lycrugue et Solon.
Avant même que Rome eût gravé douze tables,
Metius et Tarquin n’étaient pas moins coupables.
Je veux perdre un rival. Qui me retient les bras ?
Je le veux, je le puis, et je n’achève pas.
Je crains plus de mon cœur le sanglant témoignage,
Que la sévérité de tout l’aréopage.
La vertu qui n’admet que de sages plaisirs,
Semble d’un ton trop dur gourmander nos désirs.
Mais quoique pour la suivre il coûte quelque larmes,
Toute austère qu’elle est, nous admirons ses charmes.
Jaloux de ses appas, dont il est le témoin,
Le vice, son rival, la respecte de loin.
Sous ses nobles couleurs souvent il se déguise,
Pour consoler du moins l’âme qu’il a surprise.
Adorable vertu, que tes divins attraits
Dans un cœur qui te perd laissent de longs regrets !
De celui qui te hait, ta vue est le supplice.
Paroi : que le méchant te regarde, et frémisse.
La richesse, il est vrai, la fortune te fuit ;
Mais la paix t’accompagne, et la gloire te suit.
Et perdant tout pour toi, l’heureux mortel qui t’aime
Sans biens, sans dignités, se suffit à lui-même.
Mais lorsque nous voulons sans toi nous contenter,
Importune vertu, pourquoi nous tourmenter ?
Pourquoi par des remords nous rendre misérables ?
Qui t’a donné ce droit de punir les coupables ?
Laisse-nous en repos, cesse de nous charmer,
Et qu’il nous soit permis de ne te point aimer.