Page:Oeuvres complètes de Jacques-Henri-Bernardin de Saint-Pierre, Tome 10, 1820.djvu/287

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écarté des mœurs, des gouvernements, et des religions qui en entourent la base, ce qui leur paraît l'ouvrage des hommes, celui-ci finit par la raffermir, et l'autre par l'ébranler.

Leur manière de combattre leurs ennemis, quoique très-opposée, est également redoutable. Voltaire se présente devant les siens avec une armée de pamphlets, de jeux de mots, d'épigrammes, de sarcasmes, de diatribes, et de toutes les troupes légères du ridicule. Il en environne le fanatisme, le harcèle de toutes parts, et enfin le met en fuite. Rousseau, fort de sa propre force, avec les simples armes de la raison, saisit le monstre par les cornes, et le renverse. Lorsque dans leurs querelles ils en sont venus aux mains l'un et l'autre, Rousseau a fait voir que, pour vaincre le ridicule, il suffisait de le braver. Pour moi, me disait-il un jour, j'ai toujours lancé mon trait franc, je ne l'ai jamais empoisonné ; je n'ai point de détour à me reprocher. Vos ennemis, lui répondis-je, n'en sont pas mieux traités ; vous les percez de part en part.