Page:Oeuvres complètes de Jacques-Henri-Bernardin de Saint-Pierre, Tome 10, 1820.djvu/260

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de leurs opinions à la manière des régents, en les louant ou en se moquant d'eux. Enfin ils sont battus de tant de maximes qui se croisent et se contredisent, qu'ils voient que leurs études ne peuvent leur servir à rien pour parvenir ; et la plupart finissent par une ambition négative, qui cherche à abattre tout ce qui s'élève, pour se mettre à la place : c'est l'esprit du siècle. Ainsi tous les maux de la société sortent du collège, sous le nom spécieux d'émulation ; c'est elle qui fait naître les duels, les procès, les querelles, les calomnies. Pour moi, en considérant que le cœur humain n'a que deux ressorts, l'ambition et l'amour, je trouve qu'il serait plus raisonnable de leur apprendre à aimer, qu'à avoir de l'ambition : car cette passion pourrait avoir un but honnête et utile, tandis que l'autre ne peut rien trouver dans la société qui ne tourne à sa ruine. Quoi qu'il en soit, le caractère naturel ne peut jamais être tellement détruit par l'éducation, qu'on n'y revienne dans certains moments : c'est ce qui paraît dans la vie des grands hommes ; car les grands hommes se trouvent toujours parmi ceux que leur siècle