Page:Oeuvres complètes de Jacques-Henri-Bernardin de Saint-Pierre, Tome 10, 1820.djvu/255

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en pièces, et sont allés au travers des bois chercher leurs compatriotes, dont la vie leur a paru plus agréable que celle qu'ils avaient menée chez nous. Ils n'ont pas envie de jouir de ces faux biens que nous estimons tant, que nous achetons au prix des véritables, et que nous goûtons si peu... Avant de connaître nos vices, rien ne troublait leur bonheur. L'ivrognerie les a rendus intéressés, et a troublé la douceur qu'ils goûtaient dans le commerce de la vie domestique. Toutefois, comme ils ne sont frappés que de l'objet présent, les maux que leur a causés cette passion, n'ont point encore tourné en habitude. Ce sont des orages qui passent, et dont la bonté de leur caractère et le fonds de tranquillité dans lequel ils ont vécu, au sein de la nature, leur ôtent presque le souvenir quand le mal est fini[1]. Mais quel est celui qui pourrait raconter leur courage dans les combats, leur constance dans les tourments, dans les maladies et aux approches de la mort ?

  1. Voyez l'Histoire de la Nouvelle-France, tome VI, depuis la page 34 jusqu'à la page 38.