Page:Oeuvres complètes de Jacques-Henri-Bernardin de Saint-Pierre, Tome 10, 1820.djvu/225

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les jours bonne chère, mais je ne la hais pas. Un jour que j'étais dans le carrosse de Montpellier, on nous servit, à quelques lieues de cette ville, un dîner excellent en gibier, en poissons et en fruits ; nous crûmes qu'il nous en coûterait beaucoup : on nous demanda 30 sous par tête. Le bon marché, la société qui se convenait, la beauté du paysage et de la saison, nous firent prendre le parti de laisser aller le carrosse ; nous restâmes là trois jours à nous réjouir; je n'ai jamais fait meilleure chère. On ne jouit des biens de la vie que dans les pays où il n'y a point de commerce : le désir de tout convertir en or fait qu'ailleurs on se prive de tout. Cette réflexion peut servir de réponse à ceux de nos politiques modernes qui veulent étendre sans discrétion le commerce d'un pays, et qui regardent cette extension comme le plus grand avantage qu'on puisse lui procurer. A l'observation de Jean-Jacques sur les jouissances des peuples qui n'ont point de commerce, j'en ajouterai une sur les privations de ceux qui en ont beaucoup. J'ai un peu voyagé, et j'ai vu dans les pays où l'on fabrique beaucoup