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immonde, un amoncellement de fumier : telle était notre frontière, à nous… Ce que nous vîmes des maisons, nous parut misérable et sordide. Des gens hurlaient dans un café…

Petit, maigre, le képi enfoncé de travers sur la nuque, une cravate bleue roulée en corde autour du cou, la vareuse débraillée, dégoûtante de graisse, un douanier s’était précipité au-devant de la voiture, en agitant une lanterne… Il nous interrogea, sur un ton impératif, presque grossier.

— Qu’est-ce qu’il y a dans ces malles ?… ces paquets ?

— Rien… des effets.

— Que vous dites ?… Faudra voir ça !… Mais il est trop tard… À c’t’heure, bonsoir !… Demain !

J’entrai dans le bureau, pour me plaindre au chef… Une pièce en désordre… un parquet gluant de saletés… Il n’y avait pas de chef… Un homme dormait sur un banc, la tête sur un sac… Il poussa un grognement, puis un juron, au bruit de la porte ouverte… Dehors, les gens étaient sortis du café… entouraient l’automobile, nous regardaient hostilement, des êtres chétifs, terreux, la bouche mauvaise, les yeux sournois…

Je décidai de rebrousser chemin jusqu’à Grand-Fontaine, pour y passer la nuit…

Le lendemain matin, il nous fallut subir la visite. Le douanier s’acharna à la rendre la plus ignominieuse qu’il put. Il bouscula nos effets dans les malles, brisa un flacon dans un nécessaire, inventoria, pièce par pièce, les outils du mécanicien… Jusqu’à un kodak qu’il fallut enlever de son étui, pour voir ce qu’il y avait au fond. Cela dura une heure… Je rédigeai une réclamation… Mais où vont les réclamations ?…

Enfin, il nous permit de partir… furieux de n’avoir