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LA 628-E8

goux, qui lui offrit de faire son portrait. Il était très beau ; il avait les muscles durs, la joie bruyante, de longues moustaches de guerrier gaulois. Elle se donna à lui rageusement, furieusement.



La mort de Balzac.


Je laisse à Jean Gigoux le soin de raconter la mort de Balzac, en cette terrible journée du 18 août 1850. Ce récit, le voici, tel que je le tiens de lui, tel que je l’ai noté, le soir même, en rentrant chez moi. Je n’y change rien… Je ne le brode, ni ne le charge, ni ne l’atténue.

C’était dans son atelier, parmi toutes les belles choses, toutes les belles œuvres qu’il avait rassemblées. Il me dit :

— Victor Hugo a raconté, dans Choses vues, la mort de Balzac. Ces pages sont extrêmement belles et poignantes. Je n’en connais pas de plus puissamment tragiques, mais elles sont un peu inexactes, en ce sens qu’elles ne montrent pas encore assez l’abandon dans lequel mourut le grand écrivain. Peut-être Hugo, qui admirait, qui aimait beaucoup Balzac, a-t-il reculé devant l’horreur de la vérité ? La vérité vraie est que Balzac est mort abandonné de tous et de tout, comme un chien !

À ce mot de « chien », un grand épagneul roux, qui dormait, roulé en boule sur le tapis, remua la queue et tourna la tête vers son maître.

— Non… non… fit celui-ci, qui se pencha pour caresser le poil soyeux de l’animal… sois tranquille, mon