Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/461

Cette page a été validée par deux contributeurs.
405
BORDS DU RHIN

très désillusionné. Il n’avait plus d’orgueil. J’ai toujours pensé qu’il lui avait fallu un grand courage, ou un grand cynisme — ce qui est souvent la même chose, — pour aller jusqu’au bout de sa confidence.

Tout le monde sait comment Balzac connut Mme Hanska. En somme, l’histoire la plus banale : une lettre d’admiration enthousiaste, trouvée par lui, chez Léon Gosselin, son éditeur, le 28 février 1832. Elle venait du fond de la Russie, était signée : L’Étrangère. Balzac était très vaniteux. Il avait tous les grands côtés, si l’on peut dire, de la vanité ; il en avait aussi tous les petits. Cette lettre le ravit, exalta immensément son amour-propre d’homme et d’écrivain. Malheureusement, nous n’avons pas cette lettre… On suppose que Balzac la brûla, avec beaucoup d’autres, de même origine, à la suite d’un drame violent survenu en 1847, croit-on, entre Mme Hanska et lui. Ce que nous savons de cette lettre, c’est par Balzac lui-même, qui a dit à Mme Surville, à quelques amis, qu’elle était admirable, qu’elle révélait « une femme extraordinaire ». Ce fut en vain qu’il s’ingénia à en découvrir l’auteur. Sept mois après, il en recevait une autre… Celle-là, nous l’avons. Elle est bien romantique, bien emphatique et bien sotte, et, déjà, elle glisse fâcheusement de la littérature dans l’amour.

Il y est écrit, textuellement, ceci :

« Vous devez aimer et l’être ; l’union des anges doit être votre partage ; vos âmes doivent avoir des félicités inconnues ; l’Étrangère vous aime tous les deux et veut être votre amie… Elle aussi, sait aimer ; mais c’est tout… Ah ! vous me comprendrez ! »

Plus loin :

« Votre carrière est brillante, semée de fleurs suaves et embaumées. »