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en communion de goûts et de pensées avec les êtres qui vous entourent…

Comme je m’attardais à regarder une très importante toile de Vallotton : des Femmes au Bain, notre hôtesse me dit :

— Je suis choquée de voir que M. Vallotton n’a pas encore conquis, chez vous, la situation qu’il mérite et qu’il commence à avoir en Allemagne. Ici, nous l’aimons beaucoup ; nous le tenons pour un des artistes les plus personnels de sa génération. C’est vraiment un maître, si ce mot a encore un sens, aujourd’hui. Son art, très réfléchi, très volontaire, très savant, un peu farouche, ne tend pas à nous émouvoir par les petits moyens sentimentaux. On le sent à l’étroit, et comme mal à l’aise, dans les sujets intimes. Mais comme il se développe, comme il s’amplifie dans les grands ! Ce qui me plaît si fort en lui, c’est cette constante et claire recherche de la ligne, des combinaisons synthétiques de la forme, par où il atteint très souvent à la grande expression décorative. Je trouve qu’il y a, en lui, la force sévère, la tenue puissante des grands classiques. Sa sécheresse linéaire, qu’on lui reproche si injustement, à mon sens, est, peut-être, ce qui m’impressionne le plus, dans son œuvre… Elle a quelque chose de mural… Pourquoi ne lui donne-t-on pas, chez vous, à exécuter de vastes fresques ? Aucun autre artiste n’y réussirait davantage… Mais c’est un art perdu, aujourd’hui, je sais bien… Il ne s’accorde plus à notre civilisation bibelotière et compliquée.

Les femmes cultivées, les femmes dites intellectuelles, sont assommantes. Je les fuis comme la peste. Rien ne m’est plus odieux que leur bavardage, où s’étale, bouffonne et dindonne, une prétention à l’esprit, au savoir, à l’originalité de la pensée, qui n’est le plus