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Pour comble de malchance, von B…, qui, par amitié – ah ! que le diable emporte son amitié ! – avait tenu à nous accompagner, eut une « panne d’essence », la terrible, l’insoluble panne des Mercédès, ce qui nous immobilisa deux longues heures, en pleine campagne, et pour rien : car, après ces deux heures de travail, Brossette, appelé en consultation, déclara qu’il fallait démonter toute la tuyauterie et, probablement, toute la carrosserie… Que faire ? Abandonner, sans secours, sur la route, ce compagnon malgré nous ? C’était bien tentant, mais, hélas ! impossible. On prit le parti de remorquer, à la corde, la Mercédès, jusqu’à Cologne, d’où nous étions éloignés d’une vingtaine de kilomètres.



C’est dans un état d’esprit voisin de la fureur que nous traversâmes Bonn… Je regrette maintenant d’avoir été si injuste envers cette ville. Je devais tout lui pardonner, même nos déceptions de touristes, pour cette gloire à jamais émouvante, pour cette gloire immortelle d’avoir vu naître Beethoven. Je n’y songeai pas un instant. Dois-je dire que Bonn elle-même ne fit rien pour me le rappeler ? Ce n’est pas une raison – pas même une excuse – de n’avoir montré que du mépris pour ces rues, dont je raillai la propreté glaciale, ces jardins qui, eux, me rappelèrent les plus mauvais jours de l’histoire du Vésinet, et ses mornes pelouses et ses ridicules jets d’eau ; pour ces monuments, à qui je reprochai aigrement de suer le pédantisme et l’ennui ; pour cette université surtout, qui, de tant de jeunes Allemands, ivres de bière et couturés de cicatrices, fait tant de vieux docteurs chauves, tant de vieux docteurs ès on-ne-sait-quoi !