Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/387

Cette page n’a pas encore été corrigée

Et von B… se retint mal au velours insidieux d’un fauteuil…

— Sans aller si loin, vos hommes politiques, à vous, les plus conscients de l’évolution actuelle, mettez les moins inconscients, vos socialistes, ne savent même pas où les entraînera, demain, la masse ouvrière dont ils ne sont que les porte-parole embarrassés… Il y a deux ans, ils ignoraient radicalement – je veux dire comme des radicaux – les destinées du syndicalisme… Les plus malins sont ceux qui arrivent, non pas à conduire le flot de leurs électeurs, mais à distinguer, quelques semaines d’avance, entre les courants où le prolétariat bouillonne, celui qui les emportera…

— Alors ?… alors ?… répétai-je sans que ma fatigue trouvât rien de plus significatif à formuler… Alors ?

Décidément, un tonneau de vin du Rhin n’eût pas détrempé les muscles de la langue de von B… Il répondit :

— Alors à quoi bon ces organes inutiles ?… ce poids mort ?… À quoi bon ces appendices ?

Et il éclata de rire…

Je riais de le voir rire.

— Vous voulez qu’on nous en opère ?

— Hé !… Hé !… La médecine a fait son temps. L’avenir est à la chirurgie…

Il eut un hoquet…

— À la chirurgie !… Je ne crois plus du tout à la médeci… i… ne… mais… je… humpph !… je crois à la chirurgie…

— L’antisepsie à la dynamite ?… m’écriai-je, en l’entraînant à mon bras…

Il me força de m’arrêter, prononça lentement :

— L’anarchiste est un chirurgien… un chirurgien malgré lui…