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— Bien sûr…

— Bon… Mais rappelez-vous ?… Le mercredi, nous ne sommes pas sortis…

— Évidemment… sans ça !…

— Et je vois que, le jeudi 19, c’est encore cinquante-cinq litres…

— Naturellement… Monsieur sait bien… Ce sacré réservoir !

— Et l’huile ? Vous ne me ferez jamais croire…

— Le réservoir aussi !… C’est facile à comprendre. Ils fuient… Tout s’en va…

— Réparez-les, sapristi !

— Mais je ne fais que ça, monsieur ! Je m’y tue… je m’y tue… On ne peut pas !

Il m’est pénible de prendre ce brave garçon en flagrant délit de mensonge et de vol… Et puis, quoi ?… Tout ça, c’est des histoires de riches… Je me tais et je paie…

D’ailleurs, Brossette a des vertus qui font que je lui pardonne ces pratiques professionnelles. C’est un excellent compagnon de route, gai, débrouillard, attentif sans servilité, et, hormis ces légères fantaisies de comptabilité, très fidèle. Il m’amuse, et avec lui je jouis de la plus complète sécurité. Il a un sang-froid imperturbable, de la prudence, et, quand il le faut, de la hardiesse. Il ignore la fatigue, et, dans toutes les circonstances, garde sa belle humeur… Il faut le voir aux prises avec les agents cyclistes et les gendarmes, qu’il étourdit de sa gentillesse pittoresque, ce qui fait qu’il passe, presque toujours indemne, au travers des contraventions les mieux établies…

Et puis, il aime sa machine ; il en est fier ; il en parle comme d’une belle femme.

Le mois dernier, nous revenions de Bordeaux, la nuit. Entre