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sociales et les reliefs du plaisir des riches menacent les sociétés d’une fermentation inapaisable de la misère.

Ici, cette pourriture demeure, pullule dans les rues, sous une lame d’eau qu’elle refoule et amincit, chaque jour, chaque heure, davantage. Plus on tarde d’y remédier, plus le danger grandit. Mais quoi faire ?… On est impuissant. Des commissions s’assemblent et travaillent, des rapports s’ajoutent à des rapports, les projets chimériques s’empilent sur les projets irréalisables ; les parlements légifèrent. Duquel, entre ces systèmes, de laquelle, entre ces utopies proposées, viendra donc le salut ?… On ne sait pas… Ce qu’on sait, c’est que les ouvriers de la redoutable entreprise périront tous, comme périrent tous les soldats qui, au début de la colonisation, remuèrent les terres homicides de la Guyane.

En attendant, Amsterdam s’épanouit au soleil du printemps. Les tons délicats de ses rues jouent avec les eaux noires des canaux, avec les ciels rares qui achèvent son délice. Ses habitants prospèrent ; ils donnent l’exemple de l’activité et de l’emploi judicieux des richesses ; ils demandent à une centaine de sectes religieuses de leur enseigner la voie qui conduit le plus sûrement à Dieu… Ils cultivent les tulipes, les narcisses, et les beaux lis de l’Extrême-Orient, taillent le diamant, spéculent sur les marchandises lointaines, entassent l’or, rêvent d’un plus immense polder, pour remplacer le Zuyderzée desséché… Et, minute à minute, les vases mortelles se déposent, se superposent les unes aux autres, s’accumulent…

Et quand elles affleureront à la surface ?…