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Sur les Quais.


Moins joyeux et divers, moins bigarré que Marseille, le port d’Anvers est presque aussi imposant — pas aussi féerique et sinistre — que le monstre Hambourg. Mais il n’est qu’un Hambourg.

Nul port n’a sa couleur extraordinaire, sa variété, son étendue, son machinisme, ni ses puissantes avenues d’eau que bordent, jusqu’à l’infini, comme d’immenses arbres d’hiver, les navires. Aucun n’a ses venelles tortueuses, par où il se divise, se répand, en canaux innombrables dans la ville, et longeant des parcs, des pelouses, des palais, des talus fleuris, va rejoindre la belle nappe tranquille de l’Alster. Aucun n’a ses recoins mouvants où l’Elbe, si difficile à discipliner, s’infiltre, s’étrangle et rugit de ne pouvoir conquérir toute la terre. Nulle part, ces colossales silhouettes imprévues, ces îles flottantes, ces jardins magiques suspendus dans la brume, ces énormes et interminables villes que sont les docks, et cette impressionnante falaise rouge que font tout à coup surgir, dans le brouillard, les hautes maisons de brique d’Altona. Nulle part, ces nuits fantastiques qu’éclaire toute une prodigieuse constellation d’astres signaux, de phares, de projecteurs, de feux électriques, multicolores, de hublots embrasés… J’y ai, sur un petit yacht très rapide de la Hamburg-America, voyagé tout un jour et tout un soir, et je n’en ai vu qu’une partie infime. Nul grand port anglais ne m’a donné, autant que Hambourg, la sensation écrasante, presque douloureuse, du formidable…

L’horloge monumentale de Saint-Pierre, à Beauvais, est si compliquée qu’elle renferme quatre-vingt-dix mille