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atteint par un autre : en richesse, il dépassait les habitants du pays ; les vertus de ses enfants le faisaient considérer avec envie : point de qualité qui leur fit défaut ; pour le travail des mains et la résistance aux fatigues, ils montraient beaucoup de courage et une vive intelligence. La divinité prenait un tel soin de lui et veillait si bien à sa prospérité que même les événements qui lui semblaient déplorables devinrent une source d’immenses bienfaits et qu’elle prépara pour nos ancêtres la sortie d’Égypte par le moyen de Jacob et de ses descendants, voici de quelle façon.

Joseph, que Jacob avait eu de Rachel, était celui de tous ses enfants qu’il chérissait le plus, tant pour sa beauté physique que pour les qualités de son âme, car il avait une sagesse exceptionnelle. Il s’attira la jalousie et la haine de ses frères par cette affection que son père lui vouait, ainsi que par des songes qui lui promettaient la fortune et qu’il allait raconter à son père ainsi qu’à eux : car les hommes sont jaloux des prospérités même de leurs plus proches parents. Or, voici ce que Joseph vit en songe.

2[1]. Envoyé avec ses frères par son père pour faire la moisson au plus fort de l’été, il eut une vision très différente des songes qui nous visitent d’ordinaire pendant le sommeil ; réveillé, il la raconte à ses frères pour qu’ils lui en montrent la signification. Il avait vu, disait-il, la nuit passée, sa gerbe de froment immobile à l’endroit où il l’avait posée, tandis que les leurs accouraient se prosterner devant la sienne, comme des esclaves devant leurs maîtres. Ceux-ci comprirent que la vision lui présageait la puissance, une grande fortune, et la suprématie sur eux-mêmes, mais ils n’en firent rien savoir à Joseph, comme si le songe leur était inintelligible[2]. Ils formèrent des vœux pour que rien ne se réalisât de ce qu’ils auguraient, et leurs sentiments d’aversion pour lui ne firent que s’aggraver encore.

3. Renchérissant sur leur jalousie, la divinité envoya à Joseph une seconde vision bien plus merveilleuse que la précédente : il crut

  1. Gen, XXXVII, 5.
  2. L’Écriture dit, au contraire (v. 8), qu’au récit de ce songe, ses frères s’écrièrent : « Est-ce que tu prétends régner sur nous et nous dominer ? »